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Origine de l’ésotérisme de la Lumière

Origine de l’ésotérisme de la Lumière

 

Les fêtes solsticiales de fin d'années remontent à l'aube de l'histoire de l'humanité. Les fêtes solsticiales (autour des 21 juin et 21 décembre) ne reflètent pas seulement le caractère des saisons. Le solstice d'hiver, saison habituellement froide, triste et sombre, inaugure en fait le début de la phase ascendante du soleil dans le ciel vers la lumière. Le solstice d'été, saison d'ordinaire chaude, joyeuse et claire, amorce au contraire la phase descendante de l'astre vers l'obscurité.

Les fêtes solsticiales renvoient au symbolisme romain de Janus (de “janua” qui signifie porte), le dieu aux deux visages et, plus tardivement, aux fêtes chrétiennes de la Saint-Jean d'hiver (Jean l'Évangéliste fêté le 27 décembre) et de la Saint-Jean d'été (Jean le Baptiste fêté le 24 juin). En effet, ces fêtes sont en rapport avec l'ésotérisme de la Lumière, faisant référence à cette étincelle enfouie dans le cœur de l'Homme.

Dans l'antiquité, l'ésotérisme représentait la connaissance de soi, c'est-à-dire le Moi profond, afin de réaliser la raison et le but de son existence. Cette connaissance obscure était aussi limitée à certaines catégories de l'Extrême-Orient, des prêtres des temples de l'Egypte pharaonique, de la Grèce antique et de la Mésopotamie. Cela était pratiqué dans les cultes solaires à mystères. Dans les quelques siècles qui encadrent la naissance du Christianisme, de nombreux courants de pensée circulent dans le monde antique. Des temples aux divers dieux sont construits partout. Il y a même à Rome un temple au "Dieu inconnu". Les différentes écoles cohabitent et envoient des missions un peu partout pour répandre leurs cultes et leurs idées, (et cela concerne aussi la Palestine et le Judaïsme). Cette importante turbulence amène des confrontations qui opposent les anciens cultes agraires traditionnels aux religions spiritualistes nouvelles et aux idées des penseurs néo-platoniciens, hermétistes, gnostiques et chrétiens.

Il semblerait que l’origine de l’ésotérisme de la lumière prend sa source dans le gnosticisme[i] et cela, bien qu’aucune influence directe du Bouddhisme sur le Gnosticisme antique n’a jamais pu être mise en évidence de manière convaincante (LaSor & Renwick, p. 485). Pourtant des chercheurs (Foucher A., 1922)[ii] s’accordent à penser que le gnosticisme pourrait être une résultante du gréco-bouddhisme qui est un syncrétisme culturel entre la culture hellénistique et le bouddhisme qui s’est développé entre le IVe siècle avant J.-C. et le Ve siècle de notre ère dans les royaumes fondés par les généraux d’Alexandre le Grand et leurs successeurs et dans l’Empire Kouchan qui a pris leur suite (Asie centrale, actuels Afghanistan et Pakistan). Il a évolué sur une période de près de 800 ans dans un contexte de syncrétisme entre différentes cultures, principalement iranienne, nord-indienne, hellénistique, parthe et peut-être tokharienne. Les écoles les plus développées semblent avoir été celles des sarvastivadin, des dharmaguptaka et des sautrantika[iii].

Le gnosticisme chrétien a pris ces racines dans le manichéisme, propagé par une légende, un Messager de la Lumière : Mani (216-276). Sept siècles après le Bouddha, deux siècles après le Christ, quatre siècles avant Mahomet, celui qui se présentait déjà comme le réunificateur de l'Orient et de l'Occident, le « Paraclet de la Vérité » ou le « Sceau des Prophètes », transmit une vision du monde et de la vie si puissante qu'elle se répandit, de manière totalement pacifique, de l'Afrique à la Chine, des Balkans à la péninsule arabique. Il enseignait aux chrétiens l'aspect profond, ésotérique, du christianisme universel, dévoilait aux mages d'Iran le véritable sens du message de Zoroastre, expliquait aux bouddhistes le chemin de la libération. L'« Église de Justice » qu'il avait fondée pour transmettre les mystères de l'Homme Parfait, illumina des millions d'âmes pendant plus de mille ans[iv].

 

La gnose

La gnose[v] est une démarche traditionnelle. Selon l’historien des religions français (Puech, 1978),

« On appelle, on peut appeler, gnosticisme - et aussi gnose - toute doctrine ou toute attitude religieuse fondée sur la théorie ou sur l'expérience de l'obtention du Salut par la connaissance ».

Inspirée par les mythologies orientales, l’ésotérisme égyptien et la philosophie grecque, elle s’est articulée plus ouvertement durant la période chrétienne.

L’ésotérisme chrétien fut cette gnose, qui devait beaucoup à la pensée grecque et à la sagesse égyptienne. Le système de Pythagore est une adaptation des principes de la Cabale au mysticisme. (Hans Jonas, 1963) [vi] décrit la formation du Gnosticisme durant les premiers siècles avant Jésus-Christ, comme le point de rencontre des anciennes religions orientales avec la culture rationnelle de l’Hellénisme occidental.

Les diverses pensées gnostiques répondent toutes à une recherche qui est ancrée au cœur de l’humain, et dont nous trouvons des échos à toutes les époques, aussi bien dans les cultures d’Asie, des millénaires avant le Christ, que dans le monde moderne. On peut dire qu’il y a un archétype gnostique universel, qui prend des formes et expressions diverses selon les époques et les milieux.

Les principaux écrits gnostiques présentent l’aventure de l’Humanité comme une descente de la Lumière dans la matière et insistent sur l’importance d’éveiller notre conscience pour favoriser le retour de l’âme vers le Divin. Nous rejoignons ici l’essentiel des enseignements traditionnels. En général, les enseignements des différents groupes de la Tradition mettent l’accent sur l’éveil de l’intelligence du cœur, la liberté de pensée et d’action, sur les responsabilités de chacun au regard de son évolution.

 

Lumière et parole perdue

Si l'ésotérisme désigne un ensemble de mouvements et de doctrines relevant d'un enseignement caché, souvent accessible par l'intermédiaire d'une « initiation ». L’ésotérisme et l’exotérisme sont indissociables. À l'origine, l'ésotérisme désigne un enseignement professé soit à l'intérieur d'une organisation initiatique (comme les Mystères d'Éleusis) soit auprès d'un maître spirituel (comme Pythagore).

Communément, le terme "ésotérisme", connaissance occulte réservée à des initiés, se comprend par rapport à son contraire, l'« exotérisme » qui ce qui est propagé, enseigné à tous.

L'exotérisme correspond aux croyances, rites et enseignements véhiculés par les religions et traditions qui s'adressent indifféremment à tous les membres d'une communauté, qu'il s'agisse des ésotéristes novices (pas encore prêts, mais favorables à l'ésotérisme) ou des ésotéristes profanes (indifférents voire hostiles à l'ésotérisme).

L’ésotérisme de la Franc-Maçonnerie relève de la gnose chrétienne primitive, Le Livre symbolisant la Règle, l’Éthique, est ouvert au prologue de l’évangile de Saint Jean où on peut lire :

« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. » (Jean 1:1-5).

Ce texte est éminemment d’origine gnostique, même si ce courant de l’église primitive a été combattu par le père de l’église au IIe siècle[vii]. Ainsi la Parole serait d’origine divine et elle est de ce fait, la Lumière des hommes. Dans ce sens, le terme Lumière peut aussi avoir le sens d’intelligence avec les Ténèbres symbolisant alors l’ignorance et la superstition. C’est la pensée qui se matérialise ainsi dans la Parole reflétant l’intelligence et la volonté de l’être comme le verbe se fait chair.

En 325, le Concile de Nicée extirpa de l’Église « l'hérésie gnostique » qui contestait, notamment la divinité du Christ, la place de la femme et notamment l’existence d’un clergé. Cela est particulièrement évident, notamment, à la lecture de la Logion[viii] 77, de l’évangile selon Thomas[ix], un manuscrit découvert en 1945, à Nag Hamadi, décrit comme étant les propos secrets de Jésus de son vivant. (Pour exemple, ce texte, synthèse de plusieurs Logions dont notamment la 77,  tiré du film « Stigmata », 1999, de Rupert Wainwright)  

« Le royaume de Dieu est en toi et tout autour de toi. Pas dans les édifices de bois et de pierre. Fend le morceau de bois et je suis là. Soulève la pierre et tu me trouveras.»

Si la notion de Lumière dans la symbolique maçonnique est liée à l'initiation qui suppose la transmission d'une connaissance d'un initié à un impétrant. La notion d’ésotérisme, par ailleurs, est liée à ce qui est caché et à ce qui se transmet de maître à disciple. Deux composants sont ainsi nécessaires : une méthode de transmission et une connaissance à transmettre.

Les méthodes de transmission sont très nombreuses et disparates : "de mon âme à ton âme" du bouddhisme à l'utilisation de plantes hallucinogènes dans l'initiation des Indiens du sud des USA, de la répétition d'invocations à la contemplation de mandala, de la souffrance de l'ascèse à l'ivresse des cérémonies vaudou... Ces méthodes d'entraînement spirituel ont pour objectif d’atteindre un état supérieur de la conscience de soi en rapport avec l’univers, c’est le supraconscient, l’illumination qui est souvent confondu avec le divin. Un proverbe soufie dit : "il y a autant de voies pour arriver à Dieu qu'il y a de rayons dans le cercle". C’est le principe de la transmission initiatique d’une expérience intime. La notion de Lumière vue dans ce sens pourrait être la révélation d’une connaissance oubliée au plus profond de soi. En fait, on n’est jamais initié. On s’initie soi-même.

Héritière des anciennes traditions gnostique, la Franc-Maçonnerie, considère qu’une étincelle divine est dans le cœur de l’Homme et que seul le Sacrifice du Verbe, Fils de la Lumière divine qui souffre dans les ténèbres intérieures de l'homme puis meurt et ressuscite, est libérateur pour l’âme humaine.

Le noyau de la Gnose est le Verbe Rédempteur, qui nous fait retrouver la Parole perdue, et comprendre, par Elle, un des aspects du Mystère de la Croix, symbolisme antique mithriaque, représentant la rencontre de la verticalité : la Vie avec l’horizontalité : la Mort, avec au centre un point, le secret de l’Être et du Néant, représenté par une rose rouge.

 

Les Francs-Maçons,  fils de la  Veuve et fils de la Lumière ?

La légende d’Hiram Abiff, le fils de la veuve, a été greffée sur celle d'Osiris par ceux qui désiraient réorienter l'intérêt humain. L'histoire est chargée de joyaux et de perles de sagesse. Comme la plupart des mythes et des paraboles elle permet différentes interprétations. Il s’agit bien d’une référence au mythe fondateur Égyptien de la veuve Isis[x] rassemblant les membres épars d’Osiris, figuration du passage de la multiplicité à l’unité que tout initié doit accomplir en lui-même afin de concentrer au « point connu des seuls fils de la Veuve » les « puissances »  auparavant dispersées de son être[xi]. C’est-à-dire le re-éveiller ou éveiller de nouveau à la Lumière : enfin, transmettre à son tour, devenir l'initié initiant, devenir le nouveau Pharaon-Horus incarné.

La tradition initiatique maçonnique est héritière des cultes à mystères de l’antiquité. Elle pratique ainsi des initiations ésotériques où le néophyte doit mourir symboliquement pour renaître et recevoir la lumière indispensable à son évolution.

ISIS symbolise le Principe Féminin et la  Mère, elle est la Gardienne de la Science Sacrée, l'Initiatrice : « Je suis ce qui fut et qui sera, aucun mortel  n'a encore levé mon voile. » disait une inscription du Temple de  Saïs consacré à Isis.

Comme dans toute initiation, l'initié meurt et ressuscite en reconstruisant le monde suivant des critères intemporels, c'est-à-dire symboliques et rituels. Dans toute cosmogonie la symbolique numérique est essentielle. La création du monde se fait par  le verbe et par le nombre.

 

[i] Time Magazine (p. 42) cite Elaine Pagels rapportant la boutade d’un prêtre Zen né aux États-Unis : “Si j’avais eu connaissance de l’évangile de Thomas, je n’aurais pas eu besoin de devenir bouddhiste !”.
[ii] Foucher A., « L'art gréco-bouddhique du Gandhâra ; étude sur les origines de l'influence classique dans l'art bouddhique de l'Inde et de l'Extrême-Orient », Paris, E. Leroux, 1905.
[iii] Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A9co-bouddhisme#cite_note-5.
[iv] François Favre, « Mani, Christ d’Orient, Bouddha d’Occident », Septenaire 2002.
[v] Henri-Charles Puech, « En quête de la gnose », Gallimard 1978, p. 185.
[vi] JONAS H., “The Gnostic Religion. The Message of the Alien God and the Beginnings of Christianity”,  Boston : Beacon Press 1963.
[vii] BORCHERT G.L., “Gnosticism” (In Evangelical Dictionary of Theology. Elwell, W.E), Grand Rapids, MI : Baker Books 1984.
[viii] Wikipédia.org : « Emprunté au grec ancien λόγιον, lógion (« réponse d’oracle, prédiction »). »
[ix] Logion 77 : http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Apocryphes/Thomas.html
[x] Resit Ata, "Bir Fantezi : Mitoloji'den Masonluga", Mimar Sinan, 1980, No. 38, p. 59
[xi] Cf. R. Guénon, « Symboles de la Science sacrée », Gallimard 1977, pp. 283-287.

 

Source : 
http://www.rene-guenon.ch/index.php?option=com_content&view=article&id=52%3Alesoterisme-de-la-lumiere&catid=61%3Asymbolisme&Itemid=31
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