"Nous vivons une époque apocalyptique sans le savoir, et ce qui est grave, ce n’est pas que l’époque soit apocalyptique, c’est que nous ne le sachions pas."
Nous sommes tous religieux sans le savoir. Pire encore : parce que nous ne voulons pas le savoir ! C’est cet aveuglement paradoxal qui fonde la raison contemporaine. Ce livre, conçu comme un polar métaphysique et théologique, traque des indices, des traces : la marque du sacré dans des textes ou des arguments qui se prétendent uniquement rationnels. Avec la rigueur du logicien, mais aussi la passion du polémiste, Jean-Pierre Dupuy réveille les esprits empêtrés dans leur idéologie.
La catastrophe (écologique, nucléaire, nano-bio-technologique...) a commencé, mais notre refus du religieux nous empêche de la voir. Seule une perspective apocalyptique nous permet de comprendre que c’est le sacré qui nous a constitués. La désacralisation du monde nous apparaît ainsi pour ce qu’elle est : un processus inouï qui peut nous laisser sans protection face à notre violence, mais qui peut également déboucher sur un monde où la raison ne serait plus l’ennemie de la foi.
Autobiographie intellectuelle, mais aussi analyse lucide des détraquements en cours, qui tous s’enracinent dans notre refus de voir le pire, ce livre s’ouvre par une interprétation de la panique financière de 2008 ; il se poursuit par une démystification des grandes formes de la rationalité moderne, incapables de gérer ce sacré qu’elles refoulent ; il se clôt enfin, dans une mise en abyme vertigineuse, sur une méditation autour de Vertigo, le chef d’œuvre d’Alfred Hitchcock.
Avant-propos. La forme du sacré – Penser au plus près de l'apocalypse. Un itinéraire – La science, une théologie qui s'ignore - La religion, nature ou surnature ? - La loterie à Babylone. Le vote, entre procédure rationnelle et rituel – Justice et ressentiment – La menace nucléaire, notre nouveau sacré. De Ben Laden à Hiroshima - « Quand je mourrai, rien de notre amour n'aura jamais existé. » Variations sur Vertigo
« Pouvons-nous trouver des ressources conceptuelles hors de la tradition occidentale ? C'est la sagesse amérindienne qui nous a légué la très belle maxime : « la Terre nous est prêtée par nos enfants. » Certes elle se réfère à une conception du temps cyclique, qui n'est plus la nôtre. Je pense, cependant, qu'elle prend encore plus de force dans la temporalité linéaire, au prix d'un travail de re-conceptualisation qu'il s'agit d'accomplir. Nos « enfants » - comprendre les enfants de nos enfants à l'infini – n'ont d'existence ni physique ni juridique, et cependant la maxime nous enjoint de penser, au prix d'une inversion temporelle, que ce sont eux qui nous apportent « la Terre », ce à quoi nous tenons. Nous ne sommes pas les « propriétaires de la nature », nous en avons l'usufruit.
De qui l'avons-nous reçu ? De l'avenir ! Que l'on réponde : « Mais il n'a pas de réalité ! », et l'on ne fera que pointer la pierre d'achoppement de toute philosophie de la catastrophe future : nous n'arrivons pas à donner un poids de réalité suffisant à l'avenir.
Or la maxime ne se limite pas à inverser le temps : elle le met en boucle. Nos enfants, ce sont en effet nous qui les faisons, biologiquement et surtout moralement. La maxime nous invite donc à nous projeter dans l'avenir et voir notre présent avec l'exigence d'un regard que nous aurons nous-mêmes engendré. C'est par ce dédoublement, qui a la forme de la conscience, que nous pouvons peut-être établir la réciprocité entre le présent et l'avenir. Il se peut que l'avenir n'ait pas besoin de nous, mais nous, nous avons besoin de l'avenir, car c'est lui qui donne sens à tout ce que nous faisons. »
[...]
« L'emprise de l'économie sur les sociétés modernes ne fait qu'un avec le retrait du sacré qui les constitue. Ce retrait est lui-même concomitant d'un déchaînement de la concurrence entre les hommes et des passions destructrices qui l'accompagne comme jamais il ne s'en est produit dans l'histoire. Le paradoxe […] est le suivant : l'économie théorique et la pensée politique qu'elle inspire nient qu'il y ait ici une quelconque menace pour la stabilité des sociétés et le bien-être de leurs membres. Les économistes utilisaient naguère l'expression en forme d'oxymore, la "concurrence pure et parfaite", pour asseoir cette dénégation.
Cette formule signifiait que les gens n'avaient en fait pas besoin de se rencontrer ni d'échanger autre chose que des marchandises, encore moins de s'aimer, pour former une société efficace et pacifiée. Cette utopie en forme de cauchemar est peut-être le prix à payer par une société désormais dépourvue des protections que le sacré lui assurait. L'économie, à la fois réalité et pensée, occupe en creux la place du sacré. » p.226-227
Jean-Pierre Dupuy, polytechnicien et ingénieur des mines, est professeur à l’Université Stanford. Il a fondé le CREA (Centre de recherche en épistémologie appliquée) et enseigné longtemps à l’Ecole polytechnique la philosophie sociale et politique et l’éthique des sciences et des techniques. Il est l’auteur de très nombreux ouvrages, parmi lesquels : L’enfer des choses. René Girard et la logique de l’économie (avec Paul Dumouchel, 1979), La panique (1991), Le sacrifice et l’envie (1994), Pour un catastrophisme éclairé (2004), Petite métaphysique des tsunamis (2005), Dans l'oeil du cyclone (2009) ou dernièrement L'Avenir de l'économie: Sortir de l'économystification (2012).
Jean-Pierre Dupuy dans Ce Soir ou jamais du 4...par MinuitMoinsUne
Lien : La marque du sacré
Articles de blog qui me semblent intéressants sur le livre :
http://www.scriptoblog.com/index.php?option=com_content&view=article&id=222:la-marque-du-sacre-jean-pierre-dupuy-&catid=54:sciences&Itemid=55
http://yetiblog.org/index.php?post/LA-MARQUE-DU-SACRE
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