Epargner au sein d’un cercle de personnes proches sans passer par une banque, telle est la vocation des Communautés Autofinancées (CAF). Alternative aux dérives du microcrédit et solution pour les exclus de l’univers bancaire, cette forme de tontine améliorée permet d’emprunter à très faible taux d’intérêt. Inspirées des pays du Sud, les CAF essaiment aujourd’hui en Europe. Zoom sur ce modèle participatif dans lequel les épargnants sont à la fois propriétaires et bénéficiaires.
Confiance et responsabilité
Comment emprunter quelques centaines d’euros pour changer sa machine à laver ou faire des travaux de rénovation quand on a peu d’argent ? C’est pour répondre à ce besoin grandissant que les Communautés Autofinancées ont vu le jour. Inspiré du système des tontines au Sénégal et des bankomunales au Venezuela, le concept a été importé et transformé en Espagne par Jean-Claude Rodriguez Ferrera, fondateur en 2004 de l’ACAF (Association pour les communautés autofinancées).
Constitué d’environ 10 à 30 membres, une CAF est un groupe d’épargnants de proximité. La plupart se connaissent. Ils sont amis, parents, voisins… Tous épargnent en faveur du groupement, à leur rythme et selon leurs moyens. C’est là une différence avec les tontines, plus rigides, au sein desquelles le montant de l’épargne est fixé à l’avance et perçu à échéances régulières fixes. La confiance entre les épargnants est une des clefs de la de la communauté autofinancée. Autant d’ailleurs que le sentiment de responsabilité de chacun. « Ma responsabilité concernant l’argent est beaucoup plus grande au sein d’un groupe de personnes que je connais que vis-à-vis d’une institution sans visage » souligne David Schurjin de l’ACAF.
Un (vrai) réseau social
Chaque mois, les membres de la CAF se réunissent pour réaliser les opérations financières : versement d’épargne, emprunts… Un membre peut contracter un crédit quand il le désire, moyennant un taux d’intérêt mensuel de 1%, pourvu qu’il soit soutenu par deux garants issus de sa communauté. L’originalité du système est que chaque membre en est à la fois copropriétaire et bénéficiaire. Tous les ans, le produit des intérêts est partagé lors de l’assemblée générale. L’argent fructifie donc par, pour et dans la communauté. Autrement dit, pas d’apport extérieur émanant d’une institution bancaire comme c’est le cas pour le microcrédit traditionnel. C’est là la principale innovation du modèle.
Autre différence : le taux d’intérêt. Marginal au sein des CAF, il se distingue de celui exorbitant pratiqué par certains usuriers ayant instrumentalisé et dévoyé le microcrédit des origines. Enfin, l’emprunt au sein d’une communauté autofinancée n’est pas conditionné au démarrage d’une activité. « Les CAF vont plus loin que le microcrédit. Elles montrent que les personnes à bas revenus peuvent épargner seules et gérer elles-mêmes leur épargne » explique Abdoulaye Fall, fondateur d’une CAF à Barcelone. « 70% des gens disent que l’argent n’est pas la priorité mais qu’ils apprécient d’avoir un réseau social »(1). La communauté partage plus que de l’argent. Les membres d’une CAF se rendent ainsi toute sorte de services comme un coup de main en mécanique ou bien du baby-sitting.
Emules en Europe et ailleurs
Si dans leurs premières années, les CAF ont rencontré une certaine résistance culturelle en Espagne, le modèle y essaime aujourd’hui. Le pays compte à ce jour quelque 50 communautés autofinancées. Et celles-ci font désormais des émules en Europe, notamment au Portugal, en Belgique et en Turquie, et même au-delà, en Afrique et Amérique Latine.
Pour se développer plus encore, l’ACAF souhaite intégrer la planète smartphone. Jean-Claude Rodriguez-Ferrera et Abdoulaye Fall travaillent actuellement au développement d’une application. « Ce sera un outil fondamental de co-développement. La stratégie, c’est de permettre la création de millions de petits groupes » confient-t-ils enthousiastes. « Imaginez par exemple 30 millions de groupes de 30 personnes, tous autogérés »(2).
(1) et (2) : extraits du livre 1 million de révolutions tranquilles de Bénédicte Manier, éditions Les Liens qui Libèrent.
Plus de détails sur les CAF via cette interview de David Schurjin signée Financité
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